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mardi 27 juillet 2010

Sixième épisode


Quatrième scène

L'empire me fit un triomphe, mais je lisais la peur dans les yeux de mes proches. Même Ktanm avait changé. Elle me l'avait dit :
- Hum ! Right, c'est vraiment terrible ce que tu as fait. La vie est fragile, la voilà disparue d'un système entier.
Je lui avais répondu que j'avais fait ce pourquoi j'étais fait. L'Empereur voulait gagner. Il gagnerait. La discussion avait tourné court. Ktanm m'avait signalé une émission.
- Hum ! Right, tu devrais regarder sur le RésOrd, on parle de toi.
Un reportage parlait de ma « brillante victoire ». Moi, je l’aurais qualifiée de sombre, belle mais sombre. Les sondes automatiques expédiées dans le système 7.8 renvoyaient toutes le même résultat. Rien ne vivait. Rien ne pouvait vivre. Seuls les ordinateurs semblaient y avoir leur place. Nos sondes croisaient celles des margiens. Ils avaient continué beaucoup plus longtemps que nous à envoyer des renforts. Leurs pertes étaient considérables. Au point que la suite de la campagne s’annonçait facile. Quand je paraissais au conseil, les autres généraux se taisaient. Leurs analystes avaient prévu mon échec. Maintenant je sentais leurs pensées. Je devinais leurs plans minables pour me faire tomber en disgrâce. Ils avaient tout prévu sauf Tiakakner. Je sentais la peur qui leur habitait le ventre. J'y prenais plaisir. Redoutant ma colère, ils optaient pour la servilité. Ils avaient trop peur de mourir. Pour rejoindre Shalimb, centre du pouvoir des Marges Orientales, il nous fallait conquérir d’autres systèmes. Celui d’Enkafout n’en faisait pas partie. Cela me soulageait. Mon intelligence ne comprenait pas pourquoi ce petit royaume mal armé, me gênait autant. Evoquer les moines de ce monde me faisait frémir, pas les autres. Il me suffisait d’y envoyer un contingent pour en finir. Obscurément quelque chose me retenait. Je pensais qu'un jour, je devrais affronter cette faiblesse.
Nous avions assez de troupes et de vaisseaux pour planifier la campagne de conquête. Préparer et déployer le corps expéditionnaire demandait huit à neuf jours. J’avais conclu qu’en quatre décades nous pouvions en avoir fini. Tout le monde s’empressa de m’approuver. Il fut décidé que je partirais avec la première vague d’assaut. Ma présence était gage de réussite. Quand je dis « il fut décidé », je devrais dire « je décidais ». Je n’avais plus autour de moi que des êtres vivant dans la peur, comme s’ils voyaient la mort en face. Ils n’osaient plus me contredire. Cela augmenta en moi le sentiment de solitude. Pour finir, je donnais des ordres. Puis, j’allais voler dans des coins vides de tout, entre les galaxies. Pendant mes absences, la vie reprenait ses droits. Toute l’organisation se mettait en branle pour obéir aux ordres. A chacun de mes retours, j’avais le sentiment que leur peur augmentait.  En moi se battaient la joie de la ressentir et la détresse de l’isolement. Il fallait en finir.
Je donnais l’ordre d’attaquer plus tôt que prévu. Si les généraux furent surpris, ils obéirent. Douze heures plus tard, nous émergions dans le système 8.7. Sur les radars de la planète principale, les échos de notre flotte devaient ressembler à une explosion de feu d'artifice, avec des petits spots partout. Immédiatement nos ordinateurs se mirent à décrypter les messages. Dans tous les sens volait la nouvelle : « Tiakakner est là! » Une joie féroce m'envahit. L'exaltation du combat coulait dans mes veines. On allait voir encore une fois l'œuvre de l'ange-dieu de la mort et admirer sa puissance.
Le message de reddition suivit presque aussitôt. Le gouverneur général déposait ses armes à nos pieds et demandait la grâce de la vie pour les populations civiles. Des lâches! J'avais affaire à des lâches ! La planète principale était à une heure de vol. Je hurlais:
- Je vais tous les tuer! Ils ne méritent pas de vivre s'ils ne combattent pas !
Je lançais la séquence d'armement du disrupteur
- Hum ! Right, tu ne devrais pas. L'Empereur demande de conquérir pas de détruire. Il sera heureux de cette victoire facile.
A ce moment-là, j'entendis le message de reddition officiel diffusé pour les planètes et les bases margiennes. Il invitait à ne pas perdre la vie pour reprendre le combat plus tard quand les conditions seraient favorables. Le gouverneur général disait :
- ... Je vous appelle à ne pas résister. Maître Arkabdas qui est à nos côtés dans cette épreuve...
Un moine d'Enkafout ! J'étendis mes perceptions au système entier. Je ressentis violemment sa présence sur la planète principale. Je hurlais de rage dans mon cockpit. Passant sur le réseau codé de l'empire, j'ordonnais au général Dianta, commandant en second de nos forces d'assurer la suite des opérations. Je décrochais en entrant dans le premier TET venu.
Notre passage dans le système 8.7 me laissa le goût amer de l’inachevé. Nos troupes se déployèrent. Les quelques troupes margiennes présentes déposèrent les armes sans même combattre. Ce fut une explosion de joie dans l’Empire. La rage en moi n’avait pas son compte. Mon humeur était exécrable, personne ne comprenait. Pour eux j’aurais dû être dans la joie. Je savais que j'avais fui devant un moine.
L’Empereur me fit demander.

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