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samedi 29 mai 2010

Cinquième épisode

Sixième scène

J'avais hâte de reprendre les préparatifs de la future campagne. Dans quelques jours nous allions passer à une phase plus offensive. Je commençais à entrevoir les bénéfices qu'on pouvait tirer du disrupteur de Ktanm. Nous arrivions à Arche 12. Je vis avec plaisir tous les F55 alignés sur le tarmac. Etait-ce en notre honneur? Je soignais notre approche et laissais Ktanm faire un superbe atterrissage. Il me restait de ces derniers jours une impression d'étrangeté, comme si tout cela n'était qu'un rêve et un sentiment d'insécurité. Ktanm n'était pas infaillible. Ktanm nous rangea au bout de la ligne de vaisseaux à deux pas de l'entrée de la base. J'actionnais le sas pour sortir mais rien ne se passa. Le voyant clignotant revint à ma mémoire. Je faisais une demande d'aide à la tour quand Ktanm m'expliqua que cela ne servait à rien. La porte du sas était bloquée. Cela ne m'affola pas outre mesure. Nous avions encore quelques jours pour réparer cela. J'attendis patiemment les techniciens. Je profitais de ce temps d'attente pour écouter les rapports des chefs de groupe et de l'état des préparatifs. Les efforts des techniciens faisaient vibrer Ktanm sans résoudre le problème.
- De leader à Chef Tarmac. Qu'est-ce qui se passe?
- Ici le chef Tarmac. La panne est plus conséquente que ce que nous pensions. Votre vaisseau a dû prendre un  sacré coup de chaud pour faire bouger le blindage comme ça!
- Ce qui veut dire?
- Je suis désolé, Leader, mais pour vous sortir de là, il faut démonter presque la moitié du vaisseau. Il y en a au bas mot, pour deux décades.
Je restais sans voix. Nous allions être bloqués pendant au moins une vingtaine de jours alors que nous devions rejoindre la base d'attaque du Double Huit dans quelques jours. Je jugeais cela impossible.
- De leader à Chef Tarmac. Les circuits de gestion de la capsule pilote fonctionnent-ils toujours?
- Les alimentations air-eau-nourriture ainsi que les évacuations sont fonctionnelles. En attendant de vous sortir de là, nous allons les employer pour votre survie.
- Bien reçu, chef Tarmac;
Je passais les quelques heures suivantes à réfléchir sur mon siège. Ktanm restait opérationnelle. Seul mon confort était en jeu. Passer quelques jours à bord ne me faisait pas peur. En mission, cela nous arrivait régulièrement. J'y voyais un signe pour avancer notre départ au lieu de le reculer.
Pesant le pour et le contre, je pris la décision. Nous partirions dès que possible pour l'astéroïde. Contactant les chefs de groupe et le commandant de la base, j'expliquais mes intentions. Des ordres venant directement de l'Empereur me donnaient toute liberté pour organiser ma campagne militaire. J'en profitais pour prévoir un départ dans deux jours puisque tous les pilotes étaient de retour. Il restait un point obscur. Le TET ouvert dans la planète, où conduisait-il? Le disrupteur était une arme encore secrète. Aucune information n'existait sur le RésOrd. Ktanm en savait assez pour en vouloir un. Elle savait son action mais n'en connaissait pas les conséquences. L'apparition de ce TET l'avait autant étonné que moi. C'était le premier dans une planète. Où allait-il? La trame de l'espace-temps avait été bousculée. Si l'entrée du tunnel était la caldera, où était la sortie? Il fallait que je sache si le chemin que j'avais ouvert pouvait se révéler dangereux.
Je demandais à Ktanm son avis :
- Je suis comme toi. Je ne sais pas où il débouche. J'espère que ce n'est pas au coeur du soleil.
- Tu es d'accord pour aller voir.
- Oui, mais si je sens que nous finissons dans une étoile, je dégage avant.
- Mais c'est bien comme cela que je l'entendais, Ktanm. C'est bien comme cela que je l'entendais.
J'avais donné mes ordres mais pas d'explication sur mon décollage. Deux F55 m'avaient escorté. Thanmat était un de ses pilotes prometteur, un simpalais de huitième niveau selon Ktanm. Il était le plus haut niveau des pilotes de la grande Simpalaa des escadrilles sous mes ordres. Il avait pris sur lui de décoller avec son binôme sans me demander l'autorisation. Ktanm m'avait demandé de ne rien dire. Arrivé au-dessus de la caldera, je leur avais intimé l'ordre de tirer sur tout ce qui pouvait sortir du TET  qui n'était pas moi, tout en leur expliquant que je serais de retour au plus dans deux jours.
Je les laissais tourner en rond pendant que je plongeais dans le tunnel. Au premier abord, les sensations étaient les mêmes. Pourtant très vite Ktanm manifesta sa nervosité.
- Il est étrange ce TET, Right. Je n'ai jamais ressenti cela ailleurs.
Je me laissais ressentir comme elle me l’avait appris. Avec les autres TET, on avait l'impression d'être dans un tunnel entouré d'espace et d'autres tunnels. Comme les TET jouaient aussi sur le temps, j'avais des impressions de contractions extensions, contractions des trois dimensions de l'espace permettant de dilater le temps. Ici, je sentais cela mais encore plus étrange, j'avais une impression de pouvoir choisir. Un TET a une entrée et une sortie. C'est ce qui rend nécessaire ce que nous faisions : une carte. La plupart des TET sont courts. Quelques uns vont de système en système et d'autres permettent même de changer de nébuleuse. Il y a des pièges parfois avec des TET qui finissent dans des trous noirs ou au coeur d'une étoile. Avec Ktanm nous avions appris à faire demi-tour ou à sauter dans un autre TET. Ce TET planétaire était étrange. J'eus le sentiment que je pouvais intervenir sur l'arrivée du TET. Une idée fugitive me traversa l'esprit. Ktanm cria :
- Right! Qu'est-ce que tu as fait ? Je dégage!
Nous venions de jaillir dans un système composé d'une étoile simple et de quelques planètes. J'eus à peine le temps de le voir que nous repartions dans le TET d'où nous sortions.
- Qu'est-ce qui se passe?
- Ce système est fou. Les perturbations électromagnétiques y sont majeures. C'est trop dangereux pour moi.
- Qu'est-ce que c'est que ce système? As-tu eu le temps de noter les coordonnées?
- C'est un banal système de huitième catégorie sans intérêt. Il n'y a  même pas d'astroport digne de ce nom.
 Je n'eus pas le temps de poser plus de questions, que nous étions revenus à la caldera.
- De Thanmat à leader, vous êtes déjà de retour?
- De leader à Thanmat, oui mais nous refaisons un essai.
Ktanm réagit immédiatement.
- Je ne retourne pas là-bas, Right! Je n'aime pas du tout.
- Non, Ktanm. Je voudrais vérifier quelque chose. Les coordonnées du système où nous sommes allé, le mettent à quelle distance de Endoor? Plus près ou plus loin que la Terre Un.
- Nettement plus loin, c'est presque l'autre bout de la galaxie.
- Tu ne trouves pas étonnant qu'on ait fait le voyage en moins d'une heure?
- Effectivement Right, mais je  n'y resterai pas plus longtemps que la première fois.
- Pas de problème, Ktanm, c'est juste pour vérifier.
Nous nous alignâmes avec l'entrée du TET. Je ressentis le changement et je pensais à Terre Un, près du secteur du TET que je connaissais pour l'avoir déjà emprunté lors de mon voyage pour aller voir l'Empereur.
A notre sortie Ktanm s'exclama :
- C'est incroyable Right! Qu'est-ce que c'est que ce truc? Un TET ne peut pas finir à deux endroits différents!
- Je crois que ce n'est pas un TET. J'ai l'impression de pouvoir diriger l'arrivée. La première fois j'ai pensé à mon père et nous sommes arrivés dans le système d'Hautmégafine. Là j'ai pensé à Terre Un et nous y sommes parvenus. C'est un Carrefour d'Espace-Temps.
- Je ne ressens rien de tout cela.
- Est-ce que le disrupteur n'en est pas la cause?
- Non, Right. Il y a eu des essais dans le vide, sur des cibles, sur des astéroïdes et sur des  planètes mais jamais il n'y a eu cela. Dans ce CET, puisque tu lui donnes ce nom, j'ai l'impression de toucher aux origines du monde.
- Nous pouvons rentrer Ktanm. Je crois avoir compris.
- Non, Right. Nous allons aller voir l'Empereur.
Ktanm lança les moteurs à fond. Elle lança un code 4. S'en suivit une discussion en langage machine que je ne compris pas. A peine avions-nous approché de Terre Un qu'une escorte de chasseurs impériaux nous encadra  sans que nous ralentissions. L'entrée dans l'atmosphère se fit à la limite de la sécurité. A peine étions-nous posés que l'Empereur s'avança seul. Son visage était grave. Il posa la main sur le vaisseau. Lorsqu’il commença à parler, Ktanm coupa les sources audio et vidéo en me soulignant le caractère privé de la rencontre. Je pestais intérieurement.
Leur discussion fut courte et notre départ brutal.
- Tu pourrais me rebrancher !
- Oh ! Pardon, Right. Je pensais.
- Ça, je m’en doutais ! Tu pourrais m’en dire plus ?
- Ça me regarde, Right. L’Empereur est d’accord avec moi, ce CET est une anomalie et ne vient pas du disrupteur. Je lui ai raconté ce que tu m’avais raconté. Je l’ai senti inquiet de la possible présence d’habitants sur Endoor. Il y a des forces en jeu qu’il préfère ne pas voir. Ses ordres sont clairs : nous allons sur le Double huit avec l’interdiction d’utiliser ce truc tant qu’il n’a pas été exploré.

mercredi 19 mai 2010

Cinquième épisode

Cinquième scène suite

Nous tombions de plus en plus vite. Les instruments semblaient fous. Je voyais la porte s’ouvrir comme pour nous happer. Ktanm semblait hypnotisée par ce rougeoiement vers lequel nous nous précipitions en accélérant, elle gardait le silence. Seul un grésillement dans mes oreilles me signalait que les circuits fonctionnaient toujours. Je m’agitais cherchant à rétablir les contacts, relançant les processus de restauration des systèmes. Je jetais un coup d’œil de temps à autre par mes yeux-écrans sur ce qui nous attendait. Cela m’évoqua le Pandémonium. Cette vision était fascinante et repoussante à la fois. Seul le chrono semblait fonctionner au ralenti. Le chaos s’installait autour de moi. Ktanm se mit à marmonner des mots sans suite :
- Has! Irimiru Karabrao!
Cela m’évoquait un souvenir, mais pas moyen de retrouver lequel. La chaleur montait autour de nous. Dans quelques secondes nous allions nous écraser. Je ne pouvais m’abandonner. Devant l’échec de tous mes essais, je déclenchais manuellement les mécanismes de  secours. Les champs de force se déployèrent lentement alors que nous allions toucher la surface. L'impact fut prodigieux. Je fus heureusement protégé par le champ de confinement interne antiG qui s'était activé le premier. Je ne savais pas si toute la structure avait résisté. La température à la surface du F54b monta à plus de mille degrés. Puis le champ externe prit vigueur et repoussa la lave à distance tout en absorbant l'excès d'énergie. Sans avoir la puissance d'un impact laser, la lave transmettait un flux énergétique important qui emplissait les accumulateurs du vaisseau. Emporté par notre élan, nous nous étions enfoncés dans le lac de lave. Sur mes yeux écrans, tout était blanc. Saturées de photons infrarouges, les caméras ne voyaient rien.
- Ktanm, fais quelque chose, on va y rester!
- Has ! Has ! Has !
Ce n’était pas possible. Elle semblait complètement à côté de la réalité. Retrouvant les réflexes de pilote que je n'utilisais plus car Ktanm savait être plus efficace, je laissais courir mes ordres dans les circuits. Sur mes yeux écrans une ombre gigantesque passa, nous bousculant. Les gyroscopes s'affolèrent. Le vaisseau faisait des cabrioles dans les remous de lave. Les évènements récents me revinrent en mémoire. J'avais passé la porte. J'étais face au dieu antique et infernal. Je commençais à comprendre ce qu'avaient voulu dire les Vrais Vivants. Je ne savais pas qui ils pouvaient être, mais pour moi, ils avaient personnalisé les forces de la planète sous ce nom de dieu. Dans ce que j'avais lu sur Endoor, le RésOrd parlait d'éruptions cataclysmiques anciennes. Je préférais penser être dedans que face à un dieu dont je en savais rien. Protégé par ses champs de force, le F54b résistait. Je ne savais plus ni où était le haut, ni le bas ni rien pour m'orienter. Sur les différents capteurs, des ombres passaient, nous entraînant dans des mouvements erratiques. Mon intelligence me soufflait que ces ombres étaient le fait des zones moins chaudes et des courants de convexion dans la lave. Mon imagination y voyait des mains, des silhouettes gigantesques jouant avec le chasseur. Je n’allais pas mourir immédiatement. Je fis le point de la situation. Ktanm délirait et chantait.
- Tradioun Marexil fir trudinxé burrudixé!
   Fory my dinkorlitz.
   O mérikariu! O mévixé! Méri kariba!
Cet air chanté m’évoquait un opéra sombre et beau que j’avais déjà entendu. Ne répondant à aucune de mes questions, je compris qu’elle ne m'aiderait pas. Je lançais les contrôles de démarrage. Cette réinitialisation sembla les remettre en marche. Je vis les différents systèmes répondre les uns derrière les autres, même les moteurs répondirent. Si j'avais voulu, j'aurais pu les allumer, mais pour aller vers où? Il fallait que je m'oriente.
- Trudinxé caraibo.
   Fir omévixé merondor.
   Mit aysko, merondor, mit aysko!
Ktanm délirait, j'étais sûr du  lien avec ces mouvements que je sentais autour de nous. J'utilisais ce qu'elle m'avait appris sur les forces de l'espace. Nettement moins clairement, je sentis la puissance à l'œuvre autour de moi. Un œil sur les jauges des accumulateurs qui se remplissaient malgré les champs de protection poussés au maximum, je laissais le reste de mon esprit prendre la mesure de ce qui l'entourait. J'eus peur!
Je venais de palper des forces immenses comme je n'en avais jamais senties. L'espace était un lieu où les énergies étaient puissantes mais plus diffuses. Ici tout semblait vouloir me submerger. Je recommençais mon exploration. Je n'avais pas le choix. Si je ne pouvais pas remettre les moteurs en marche, la saturation des accumulateurs nous détruirait.
Me vint à l'esprit : Aseoariu, fils de Celui qui vient. Prononcer ces mots me fut apaisant. Il y avait là dedans aussi une force que je ne connaissais pas non plus. Force contre force et moi au milieu, fut l'idée qui occupa mon conscient.
- Oh!
   Diff! Diff! merondor, merondor aysko!
Ktanm faisait chorus avec la force extérieure. Je répétais :
- Aseoariu, fils de Celui qui vient !
Le disrupteur ! Voilà la solution ! Je mis en route manuellement le module de tir. En détruisant tout devant moi, je pourrais me repérer. Nous continuions à virevolter dans tous les sens. Sans le champ de confinement interne, je n'aurais rien pu faire. Il rendait mes gestes lents mais je pouvais agir. J'activais la deuxième étape du disrupteur. Pendant que se déroulaient les protocoles de mises en route, je laissais de nouveau mon esprit toucher les forces extérieures. Je reçus une bouffée de jubilation malsaine qui fut cachée par un chaos de sentiments. Qu'est-ce que cela voulait dire?
Je continuais à étendre mes perceptions. Plus loin, plus ténu, je ressentis de la tristesse arrivant comme des vagues sur le bord d'une plage. Je fus déstabilisé. Je n’arrivais pas à donner du sens à ce qui se passait. Un affrontement se déroulait. Les Vrais Vivants avaient raison. J’étais le jouet, l’enjeu et la clé de ce qu'il se passait.
La sonnerie d'alerte des accumulateurs me ramena au réel. Ils allaient dépasser leur capacité. Le danger qu'ils explosent devenait trop important. Je n'avais que le temps de finir la mise en route du disrupteur. Je lançais la séquence de pré-tir. J’étais impatient de l’utiliser. J’avais vu son action. J’allais renvoyer au chaos primordial toute cette lave qui m’entourait et ce qui l’habitait. Une exaltation monta en moi. Encore quelques secondes et je déchirerais l’espace-temps, annihilant tout devant moi…Tout ? Une impression plus qu’une image se forma dans mon esprit. Annihiler l’espace, je le comprenais, mais le temps… Il allait se déchirer. Qu’allait-il advenir ?
Les lampes d’alerte clignotaient en rouge maintenant. Dans quelques secondes, le disrupteur serait prêt. Ktanm psalmodiait toujours ces mots que je ne comprenais pas mais dont les accents me faisaient frissonner d’exaltation. Si elle avait eu les commandes de mises à feu à sa disposition, elle aurait déjà utilisé le disrupteur. Je fis les exercices de relaxation que mon père m’avait appris quand plus jeune, je n’arrivais pas à maîtriser ma colère. Les vagues de tristesse m’envahirent alors. La sonnerie d’alerte me ramena une fois de plus au réel. Sa tonalité atteignait des sommets. J’avançais la main vers la gâchette. Il fallait libérer de l’énergie ou mourir. Entre exaltation et tristesse, j’appuyais fermement en fermant les yeux.
Je ne sus jamais ce que j’avais réellement fait. Erreur ou force de l’habitude ? Je sentis le chasseur se stabiliser et partir en arrière, poussé par le recul des lasers. Je n’avais pas appuyé sur la gâchette du disrupteur mais sur celle des lasers. Je compris immédiatement le bénéfice que je pouvais retirer de ce mouvement de recul. Je cessais d’être le jouet des forces aléatoires qui semblaient régner dans ce lac de lave pour redevenir gouvernant. J’avais des réserves d’énergie. Je recommençais à tirer. Mes instruments de vol se stabilisèrent. Mon indicateur de gravité retrouva son fonctionnement habituel. Je savais maintenant où était le plus gros de la masse autour de moi. Le ciel devait être à l’opposé. Jouant sur la puissance respective des deux lasers, je fis tourner le F54b pour qu’il ait le maximum de poussée vers ce que je pensais être la sortie. En ce faisant, je m’enfonçais plus profondément dans la lave, chaque impact de laser me faisant reculer. Sur mes yeux-écrans, je vis à nouveau cette ombre gigantesque non loin de moi. Le chasseur courait sur son erre en marche arrière. J’avais enclenché le démarrage des moteurs. Je n’avais plus qu’à attendre. J’ouvris mon esprit aux sensations extérieures. Un immense sentiment de satisfaction m’entourait, m’accueillait… Non, accueillait la force que représentaient le chasseur et celle qui l’habitait. Je sentais une volonté à l’œuvre désireuse d’exploiter la puissance disrupteur. Ktanm était prisonnière d’elle. Ses ombres mains s’ouvraient pour nous. J’étais encore en contact avec elle quand les moteurs se lancèrent. Pendant quelques instants, le chasseur s’immobilisa. Puis doucement d’abord et de plus en plus vite, il accéléra. Autour de moi, ce fut l’étonnement, puis la contrariété qui fit place à la colère. Je vis sur mes yeux-écrans le noir du ciel devant moi. Je poussais la puissance au maximum. Sur mes écrans arrière, je vis comme de gigantesques mains de lave qui tentèrent de me retenir. Je fis un Immelmann impeccable. Quand je fus face au lac de lave, j’actionnais mes armes. Le disrupteur hurla. Je fis un rétablissement pour m’éloigner de la zone. Mon tir creusa un trou plus noir que la mort dans la lave. Le contact avec la volonté que je sentais à l’œuvre disparut brutalement. Les vagues de tristesse firent place à un sentiment de soulagement. Dans la caldera au lieu du lac de lave s’ouvrait un TET. Le disrupteur bousculait tellement la trame de l’espace temps qu’il avait ouvert un TET dans une planète.
- Right, je ne peux rien ! Right, on va s’écraser…
- C’est fini Ktanm ! C’est fini.
Je remis le cap sur Arche 12. Ktanm insista pour que je lui raconte ce qui venait d’arriver. Je le fis honnêtement en oubliant simplement de mentionner ses paroles. Le F54b semblait parfaitement fonctionner, seul un petit clignotant jaune signalait une anomalie dans le couloir d’accès au poste de pilotage. Mais ça pouvait attendre.

dimanche 16 mai 2010

Cheminement

Petite est ma taille
Grande est la plage
Fort est mon désir

jeudi 13 mai 2010

Cinquième épisode


 


Quand Ktanm atterrit, je compris qu'elle était changée. Un renflement nouveau ornait la proue du F54b. Je m'approchais d'elle en lorgnant sur ce subit embonpoint. J'avais remis mon casque de pilotage pour pouvoir parler directement avec elle. Je m'installais à ses commandes et laissais les sensations m'envahir. Ktanm ne dit rien me laissant découvrir.
- Un disrupteur! Tu as un disrupteur!
- Bien vu Right! Tu vois que cela valait les dix jours d'absence. Mais toi que s'est-il passé ?
Je lui racontais et mon rêve et mon excursion hors dimension. Ktanm resta un moment silencieuse avant de me répondre. Elle ne voyait pas ce que cela pouvait être. Elle ressentait mon angoisse au travers du couplage qui nous liait. Elle qui vivait la transmutation dans son être, n'avait jamais entendu parler de ces entités vivant de forces. Les analyses de l'air ne montraient aucun alcaloïde. Je n'avais à priori pas été intoxiqué par des plantes. Elle n'avait pas d'autre explication. Elle n'insista pas trop sur le sujet préférant revenir sur ce qui lui était arrivé. Elle savait par différents indices qu'un disrupteur miniaturisé était en cours d'expérimentation. Elle le voulait. Elle ne doutait pas de la possibilité de convaincre l'Empereur de lui en affecter un.
- Il me doit bien ça.
Je ne l'interrogeais pas plus sachant qu'elle ne me répondrait que si cela l'arrangeait. J'enregistrais le fait quelque part dans ma mémoire. Il expliquait bien des choses. Tout en conversant avec elle, j'avais commencé à replier mes affaires. J'eus rapidement fini? C'est avec plaisir que je rangeais tout le matériel dans les soutes.
- On va voir si ta prise de poids ne t'empêche pas de bouger!
Ktanm émit ce qui était un rire et décolla dans un rugissement de moteur. Les premières étoiles apparaissaient dans le ciel.
Sur mon écran arrière, je vis la tache de roche fondue s'éloigner.
Nous passâmes des heures merveilleuses à tester les nouveaux équipements de Ktanm. Seul le disrupteur échappa aux essais. L'utiliser dans les systèmes d'Endoor était trop risqué.
De toute la poussée de ses moteurs boostés, Ktanm revint vers Arche12. J’étais grisé par le plaisir. Rien ne semblait pourvoir nous arrêter. Sa vitesse était très supérieure aux normes de sécurité quand nous arrivâmes dans la haute atmosphère.
- Regarde, Right !
Le ciel s’embrasa autour de nous pendant que les boucliers encaissaient la vague de chaleur. Je jouais à mon tour, étalant au maximum les champs de protection. La décélération fut intense. Sans les protections antiG, j’aurais été laminé. Nous avions abordé la planète par son côté obscur. Dans quelques secondes le soleil allait nous frapper de ses rayons. Nous ferions encore un tour en orbite basse avant de plonger sur Arche12. Je riais de bonheur. Quel vol superbe ! Je branchais les contrôleurs vidéo. J’allais éteindre la caméra arrière pour jouir du lever de soleil quand un détail attira mon œil.
- Ktanm ! La porte !
La lumière solaire éclata sur l’horizon.
- De quoi parles-tu, Right ?
- La porte, j’ai vu la porte de mon cauchemar !
- Je t'affiche les images ...
Aussitôt les enregistrements s'affichèrent sur mes yeux-écrans. Je remontais le temps image par image. Je bloquais le défilement sur une des vues.
- Regarde, Ktanm
- Où ça?
- Tu vois la forme rouge à la limite de l'horizon?
- Au nord?
- Oui, c'est ça.
Je zoomais sur la zone en question, mais la résolution insuffisante ne permit pas de voir plus de détails.
- Je me programme pour passer à la verticale. Cette zone est complètement hors des couloirs de vol et vu la couche nuageuse, on ne va peut-être pas voir grand chose. 
Ktanm se programma pour passer à la verticale de la zone.
- Contact dans douze minutes. Raconte-moi ton histoire avec tous les détails, Right. Il faut qu’on en sache plus.
Je repris mon récit. Insistant sur l’étrangeté mais aussi sur le sentiment de réalité, j’essayais de ne rien oublier. Ktanm fit appel au RésOrd. Avec les données qu’on lui donnait, il répondit qu’il devait s’agir d’une légende locale. La réponse du RésOrd me déçut. La certitude de mon ressenti me faisait douter de la réponse. Le temps passa rapidement avec la discussion. Nous approchions.
Nous survolions une zone montagneuse. Les pics succédaient aux pics. Ktanm louvoyait entre les sommets culminant à près de douze mille mètres. Leurs sommets étaient nus montrant des roches noires déchiquetées. La neige débutait plus bas. Se basant sur les relevés des satellites, Ktanm se dirigeait vers la zone.
- Contact dans soixante secondes. Je te branche les caméras infrarouges.
Ktanm remontait une vallée encaissée se terminant par un col à huit mille mètres. La zone n’avait pas été explorée car jugée sans intérêt économique et trop coûteuse à coloniser. Ktanm lutta avec les vents violents de la région mais s’encadra au beau milieu du passage du col. Le spectacle qui s’offrit à nous fut à couper le souffle. Une vaste caldera s’étendait devant nos yeux-écrans. Tout y était rouge. La chaleur avait fait fondre la neige qui aurait pu apparaître en bleu. Seuls les lèvres de l’excavation s’ourlaient du bleu signe de froid. L’objectif n’arrivait pas à embraser en un seul angle toute la zone. Ktanm se mit à tourner en rond pour survoler toute l’anomalie qui affolait ses instruments.
- Je ne sais pas ce qui est là-dessous, Right, mais je n’aime pas du tout.
- Attends un peu, je règle les caméras. On fait un plan et on dégage.
Je jouais avec les curseurs de sensibilité pour caler la sensibilité des capteurs à la situation. Négligeant les valeurs froides, j’étalais les valeurs du spectre vers les hautes températures. Sous mes yeux horrifiés, le dessin qui apparut fut celui  de la porte de mon cauchemar. J’étais fasciné. Un détail attira mon attention. Au milieu de la caldera, un trait chaud apparut.
- Ktanm, la porte s’ouvre ! On dégage.
Je sentis les ordres de Ktanm pour que les moteurs donnent toute leur puissance. Les relais de puissance claquèrent. Le rugissement habituel se fit entendre. C’est alors que la lumière de la porte nous toucha. Tout cala. Sur mes yeux-écrans, je vis la chute s’amorcer.
- Right, je ne peux rien ! Right, on va s’écraser…

lundi 10 mai 2010

vendredi 7 mai 2010

Cinquième épisode

Quatrième scène, deuxième partie 


Je ne ressentais pas de crainte. Il avançait rapidement. Une place s'ouvrit devant nous. Un groupe d'êtres semblables à mon guide se tenait là. Je m'arrêtais. Celui qui m'avait amené là, rejoignit le groupe. Il se mit à parler :
- Aseoariu frapnetoq.
- Je ne vous comprends pas.
S'avançant vers moi, le plus grand des êtres mit deux doigts sur mon front. Une chaleur envahit mon crâne.
- Aseoariu entend la parole.
Se retournant vers les autres, il ajouta :
- Maintenant il nous comprend.
- Qui êtes-vous ?
- Nous sommes les habitants de ce système solaire.
- Mais nos sondes n’ont rien montré.
- Aseoariu et les siens ne savent pas chercher. Ils s’arrêtent à la surface des vérités. Nous habitons une autre dimension que celle qu’ils connaissent.
- Pourquoi m’avez-vous fait venir ?
- Aseoariu et les siens ont fait venir le feu brutal qui brise la matière et ses dimensions. La brèche est ouverte et l’antique Dieu veut revenir.
- Nous n’y sommes pour rien. Ce sont nos ennemis qui ont bombardé…
- Ennemis-amis, Aseoariu est comme les siens. Il fait des distinctions subtiles pour ne pas voir sa responsabilité. Aseoariu et les siens ne savent pas ce qu’ils font. Pour eux le feu brutal est sans conséquence. La planète a été bouleversée dans sa vie profonde et l’antique Dieu infernal va surgir.
- Mais qu’est ce que je peux y faire ?
- Aseoariu a été choisi car il entend ce que les siens n’entendent pas.  Aseoariu va  venir en aide au peuple des Vrais Vivants.
- Et pourquoi ferais-je cela ?
- Pour ne pas mourir selon la vérité du rêve.
- C’est vous qui m’avez envoyé ce cauchemar ???
- Aseoariu doit savoir ce qui l’attend si ce qui est nécessaire n’est pas fait.
- Mais qu’est ce qui est nécessaire ?
- Contenir le dieu antique et infernal.
J’avais l’impression de tourner en rond. Leurs paroles me posaient plus de questions qu’elles ne m’amenaient de réponses. Où étais-je ? Qui étaient-ils ? Ils ne pouvaient pas être les habitants de la planète, nos sondes les auraient découverts. Un piège ! J’étais sûrement tombé dans un piège. Ma curiosité m’avait entraîné là où il ne fallait pas. Maintenant comment m’en sortir.
- Aseoariu craint un piège mais il a tort. Les Vrais Vivants ont besoin de Aseoariu. Lui seul sauver le monde des Vrais Vivants.
- Expliquez-vous !
- Aseoariu ne voit que la surface des choses. Nous les vrais Vivants nous sommes les forces qui sont. Depuis des temps et des temps nous cultivons et nous nous nourrissons des forces qui tendent et sous-tendent le monde que Aseoariu et les siens croient seul et unique.
- Alors qu’attendez-vous de moi ?
- Aseoariu est de la lignée de Celui qui vient. Il peut contenir le dieu antique.
Je commençais à m’énerver. Ma colère explosa quand ils me répétèrent avec d’autres mots ce qu’ils m’avaient déjà dit. Le monde lumineux et coloré autour de nous sembla s’éteindre. Les couleurs s’assombrirent. Des éclairs rouge sombre zébrèrent le ciel. A chaque extrémité du groupe, une entité tomba à genoux et se mit à psalmodier, les bras étendus. Celle qui était au centre reprit la parole. Elle m’expliqua sur une voix monocorde presque hypnotique, les règles de leurs mondes. Pour que je puisse entrer en contact avec eux, ils avaient mis en œuvre beaucoup d’énergie. Un humain ne pouvait pas normalement se promener dans ce monde qui n’existait pas pour lui. J’étais une exception. Les bombardements avec des armes à fission avaient déstabilisé la planète. Les forces souterraines qui avaient mis des millénaires à se stabiliser et que normalement ils contrôlaient, avaient repris leurs affrontements. Dans leur représentation du monde, ces forces étaient celles du dieu antique et infernal. Leurs pouvoirs étaient insuffisants pour les contenir. Seul moi les avais. Mes interrogations sur le comment restèrent sans réponse.
Sur un geste spiralé de l'entité centrale, le décor changea. Une vaste porte de pierre fumait. Derrière se tenait le dieu antique et infernal. Par les interstices et au niveau de ce qui pouvait servir de pivot, un rougeoiement de mauvais augure témoignait de la présence des forces incontrôlées.
- Vois Aseoariu ! Vois ! Si cette porte s'ouvre, et le monde d'Aseoariu et le nôtre souffriront. Le monde d'Aseoariu survivra mais Aseoariu subira ce que le rêve a révélé.
Je fermais les yeux en hurlant :
- NON !!!!
Quand je les rouvris, j'étais devant mon campement, le soleil à l'horizon, éclairait de rouge sang le paysage alentour. Délaissant les méandres des roches, je courus à mon abri. Je n'avais qu'une idée en tête : détruire ces malfaisants avant qu'ils ne perturbent le monde en répandant leurs cauchemars. Je sautais sur mon armement. Dans le crépitement de mes armes, je déchargeais mon angoisse en vitrifiant le sol devant  moi.
Je m'arrêtais haletant. La chaleur de la terre en fusion était forte et m'incommodait. Je ne voulais ni faire ce qu'ils m'avaient demandé, ni vivre ce que le cauchemar m'évoquait. Pourtant je n'arrivais pas à ôter de mon esprit le ressenti du mauvais rêve. Il était trop dans le domaine du possible. Je passais le reste de la journée dans un état de confusion tel que je n'en avais jamais connu. Le soir tombait quand j'allais sur le RésOrd. Ktanm m'avait répondu et m'annonçait son retour avec de l'avance. Je découvris qu'elle m'avait écrit plusieurs fois. Je vérifiais les dates. J'avais changé de dimension pendant trois jours pleins pour revenir au début du huitième jour de la décade. Demain Ktanm serait là. Je rêvais de reprendre notre vie d'avant tout en sachant que cela ne serait plus possible. Elle m'avait caché trop de choses. Quant à moi, ce que j'avais vécu me fragilisait.

jeudi 6 mai 2010

Grand petit

Où est le grand?
Qui est petit?

dimanche 2 mai 2010

Chant de pierre

De chant en contre chant vers la lumière