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mercredi 7 juillet 2010

Sixième épisode

Deuxième scène 

Pour les soldats, la vraie guerre venait de commencer. Mes chasseurs nous avaient donné la maîtrise des cieux. Il nous fallait maintenant conquérir les planètes. Le gouvernement des Marges Orientales refusait de se rendre. Pour commencer j’avais jeté mon dévolu sur un petit système assez excentré mais dont le réseau de TET pouvait nous être favorable. J’accompagnais les premières troupes. Leur débarquement sema la panique. Les combats furent courts. Les margiens manquaient de combattants sur ces planètes essentiellement agricoles. Je décidais de faire de ce système notre tête de pont. Il reçut le nom de code MO1. Deux planètes étaient habitables, une autre était utilisable pour nos bases. Elles devinrent 1MO1, 2MO1 et 3MO1. Leurs communications à longue distance se basaient sur des émetteurs à la limite de l’entrée des TET. Une manœuvre audacieuse d’un chasseur avait pu détruire ce relais avant que l’alerte soit donnée. Cela nous donnait un temps de secret avant que la nouvelle se répande. J’en profitais pour faire venir les éléments préfabriqués des bases qui nous seraient nécessaires.
Ce succès facile avait dopé le moral de mes troupes. Ils se voyaient déjà défilant sur Shalimb. Je savais moi qu'avant d'arriver au coeur des Marges Orientales, beaucoup de combats pas toujours victorieux nous attendaient. Nous avions la tête de pont maintenant, il nous fallait choisir une deuxième cible. Cela donna lieu à d'âpres discussions entre les différents états-majors des différentes armes. Au sortir d'une réunion épuisante où rien n'avait été décidé, je pensais avec nostalgie à la simplicité des combats quand on était chasseur. Je décidais d'aller voler un peu en solitaire pour me détendre et me reposer. J'avais fixé une autre réunion douze heures plus tard. Les autres généraux, plus anciens, plus aguerris aussi, m'en voulaient de mon commandement. J'étais sûr qu'ils n'attendaient qu'une chose : l'erreur qui me ferait chuter. En moi, je sentais se développer une haine de cette intelligentsia qui savait si bien parler, si bien faire de beaux discours et de belles théories. Quand Ktanm se désolidarisa du Ktanmor, je laissais mon esprit vagabonder sur les différentes options que nous avions passées en revue. Son accélération me cloua sur mon siège. Elle n'avait pas activé les champs de protection anti G et me rappelait ainsi à la réalité.
- Oh, doucement Ktanm !
- Tu rêvasses, Right!
- Non, pas vraiment. Je n'ai pas la science de la guerre que tous ces généraux possèdent. Cela me manque pour prévoir. Mes analystes manquent de données fiables pour prendre une décision et favoriser une option.
Ktanm enchaîna une série de figures compliquées. Je me recalais dans mon siège. Mon corps trouvait sa place et mes réflexes de pilotage revinrent.
- Je te laisse les commandes, Right!
Ktanm me lâcha le chasseur qui fit une embardée. Je rentrais à cent pour cent dans le pilotage, oubliant un temps les autres soucis. Voyant un TET, j'y entrais. Je regardais la carte. C'était un TET de moyenne distance. Je me laissais aller à dormir.
Deux heures plus tard, la sonnerie de sortie de TET me réveilla. J'observais avec mes yeux radars l'endroit où nous débouchions. Les carcasses des croiseurs flottaient encore. Nous étions sur le lieu de ma dernière bataille. Je reconnaissais les détails du système 7.2. Je pensais que lui aussi pourrait être une cible intéressante pour notre prochaine action. Je me dirigeais vers un des croiseurs. L'énorme trou central abritait toujours un CET. Je le sentais. Huit points lumineux apparurent en arrière, des chasseurs margiens. Ils tirèrent tous ensemble. Les faisceaux lasers ne m'inquiétaient pas. Mes boucliers pouvaient les encaisser. Le disrupteur était toujours avide d'énergie. Les autres échos m'intriguèrent, puis m'inquiétèrent : des missiles. Les margiens maîtrisaient les bombes à fission bien mieux que l'Empire. Contrairement aux rayons lumineux, les missiles et autres torpilles étaient capables de manoeuvrer. Ktanm qui les avait vus aussi, me dit :
- Contact dans 4 minutes.
- Peux-tu estimer la puissance ?
- Ce sont des nouveaux modèles et vu leur taille, je ne sais pas si nos boucliers peuvent encaisser.
En moi, la rage s'éveilla. Je sentis sa pulsation me monter du ventre vers le thorax. Ils croyaient me piéger avec leur nouvel armement.
- Right, je vais reprendre les commandes. Ça va être juste. Même avec le disrupteur, je ne suis pas sûre d'avoir tous les missiles.
Une autre bordée de missiles était partie juste derrière la première. Seize porteurs de mort filaient de toute leur puissance vers nous.
- Ktanm, on est trop loin d'un TET et le disrupteur n’a pas une cadence de tir assez grande, mais le croiseur le plus proche est à trois minutes de vol. On y va.
Je donnais la pleine puissance aux moteurs, prenant une allure de fuite devant la meute. Leur accélération était meilleure que la nôtre. Au mieux, nous allions gagner quelques minutes.
- Notre seule chance est qu’ils n’aient pas assez de combustible pour nous rejoindre.
En moi, la pulsation devint puissance. Je regardais les missiles. J’en vis l’intérieur. Les réserves de carburant suffisaient pour plusieurs heures de vol. Plus loin derrière, j’appréhendais les chasseurs margiens dans leur nature même. Plus rapides, plus puissants que Ktanm, ils possédaient encore des réserves de missiles. Je compris qu’ils avaient été conçus contre moi. Tiakakner devait disparaître. Les fous !
Je ralentis juste assez pour que les missiles pénètrent avec nous dans le CET. Là j’étais le seigneur Tiakakner. Par la force de ma volonté et mon désir de mort, je tordis le CET en accélérant. Incapables de suivre le train que je leur imposais, les missiles suivaient ma trace. Leurs ordinateurs de bord étaient trop limités pour faire autre chose. J’en modulais la forme, pour les grouper deux par deux. Je riais de ce que je préparais.
Je focalisais mon esprit sur les chasseurs ennemis. Je les sentais. Je sentais même leur perplexité devant ma disparition dans ce TET étrange né dans une carcasse de croiseur. Ils avaient pris position devant l’entrée, prêts à refaire feu. Parfait ! Je conduisis le CET comme un dessinateur utilise son crayon pour dessiner pleins et déliés. Ils m’attendaient devant eux, j’arrivais par derrière, refermant le CET sur les chasseurs margiens dans une boucle infernale. Les premiers missiles trop proches de moi, explosèrent en percutant un vaisseau ennemi. Les autres accélérèrent le plus vite possible. Un autre disparut dans la collision avec le second groupe de bombes volantes. J’accélérais, laissant sur place tous mes ennemis. Je suivais sans forcer les sinuosités du CET que j’avais tracé. C’était exaltant. Bientôt, sur mes yeux radars, je vis les flammes arrière des moteurs des missiles et pas très loin devant, les lueurs des moteurs des vaisseaux margiens. La boucle était bouclée.  Je les avais enfermés dans ce CET comme dans un circuit de jeu vidéo. Je hurlais de rire tout en basculant dans un CET voisin.
J’étais très fier de moi en retrouvant l’espace normal. Je décidais de jouer encore un peu en passant de CET en CET.
- Right, qu'est ce qu'ils vont devenir dans leur boucle de CET?
- Ils vont mourir, soit en rencontrant un de leurs missiles, soit parce qu'ils n'auront plus d'air.
- Comment fais-tu pour arriver à cela ?
- Je le veux et cela se fait.
- Nous n'avons que le temps de rentrer pour ta réunion.
Je ne laissais pas faire Ktanm. J'étais encore trop Tiakakner. Mes généraux m'attendraient si besoin. J'étais le patron dans les Marges. Je repensais aux options qu'ils m'avaient proposées. Je sentis le piège dans l'attaque du système 7.8. Une défaite était plus que probable. Ce système très industrialisé était puissamment défendu. L'autre option était encore un système agricole et forestier. Son attaque nous donnerait une nouvelle base mais stratégiquement nous éloignerait de nos buts. Restait le piège qu'ils me tendaient. Ils avaient essayé, à travers des discours compliqués de me montrer que le mieux était d’attaquer le 7.8. Je ne comprenais pas où était la chausse-trappe, mais elle y était. Je la sentais. Ils me voulaient là, j’y serais. Ils pensaient que j’échouerais, ils avaient tort.
J’avançais dans le CET. Le déployant pour rentrer vers 1MO1, je sentais le grand espace autour de moi. La compréhension des lignes de forces de la fédération des Marges Orientales m’apparut. Le piège devenait évident. Le système 7.8 était relié par des TET courts à plusieurs grands systèmes fortement armés. L’attaquer revenait à avoir toutes les forces des Marges sur le dos. Le détruire mettrait les Marges à genoux. Y amener des troupes était possible mais jamais nous ne pourrions à travers un seul TET en apporter assez pour tenir face aux Margiens et aux renforts qui pourraient arriver par la dizaine de TET. Il me fallait un plan, différent bien sûr de celui que me proposaient les généraux.
Je sentais Ktanm mal à l’aise dans le CET. J’en parlais avec elle. Je savais qu’elle n’aimait pas ce lieu incertain. Ses perceptions étaient perturbées par mon action. Elle me disait que je tordais l’espace avec mes CET. Je n’en respectais pas les règles. Cela me laissait indifférent puisque je gagnais ainsi mes combats. Notre discussion dura jusqu’à notre arrivée aux abords du système MO1. Je nous fis basculer dans un TET classique et lui laissais les commandes pour revenir au Ktanmor. Dans deux heures, je serais face aux généraux. Il fallait que je trouve un plan.
Notre accrochage se fit parfaitement. J’allais sortir quand Ktanm me dit :
- Fais attention à toi, Right. Je n’aime pas du tout cette histoire.
Je balbutiais quelques mots de réconfort. La rage des combats m’avait quitté. L’inquiétude montait en moi. Je retrouvais ma cellule d’analystes.
- Alors, qu’avez-vous à me proposer ?
- L’attaque du système 7.8 semble une bonne solution mais les risques sont grands. D’après la carte des TET faite par vos chasseurs, il existe un réseau dense entre ce système et d’autres. Malgré cela les généraux sont persuadés que là est la meilleure cible. Gagner le 7.8 donnera une victoire rapide.
- L’empereur désire une victoire rapide, ajouta un des analystes impériaux.
- Donc cela clôt le débat. Nous allons obéir à l’Empereur.
Je me dirigeais vers la salle d'état major. J'avais un sale goût dans la bouche.

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