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mercredi 8 septembre 2010

Sixième épisode


Cinquième scène (fin)
Un écran blanc apparut avec ces simples mots : « Frappez, Entrez. »
Le temps de nous interroger sur la marche à suivre et l'écran d'accueil réapparut. En retapant le même nom, la même invite se retrouva à clignoter à l'écran. Au bout de quelques secondes, nous revenions à l'écran d'accueil. Nous fîmes différents essais de textes ou de suites de lettres aléatoires sans succès.
- Hum ! Right, je pense qu'ils ont un protocole qui doit être suivi mais qui n'est connu que d'eux seuls. Je vais chercher autre chose.
- Attends, Ktanm! Essaye « Tiakakner ».
- Hum ! Right, si tu veux mais je crois que cela ne donnera rien. Il ne fait pas partie des moines...
Quand Ktanm eut validé sa saisie, un écran noir apparut. L'invite clignota quelques secondes et puis noir sur noir je sentis plus que je ne vis l'écriture.
« Bienvenu, Tiakakner, maître de la mort. Si tu es arrivé jusqu'à moi, c'est que notre rencontre a eu lieu. Pour que tes questions trouvent des réponses, réponds à ma question : quel est le dernier son de l'idéographe que tu as tracé? »
Mon cœur s'accéléra. Celui qui avait écrit cela savait.
- Hum ! Right, tu vois, on a un écran noir.
Ktanm ne voyait rien. Je n'en revenais pas. Elle était capable de décrypter tous les codes d'une page et là, elle ne voyait que du noir.
- Entre  « guédonne ».
- Hum ! Right, comme tu veux.
Le noir se fragmenta laissant apparaître un visage sur fond blanc.
Puis vint le texte.
« Bienvenu, Tiakakner, maître de la mort. Notre rencontre a eu lieu et je suis mort. Maintenant tu t'interroges. Ecoute, toi qui es si ancien. Des réponses vont être données. »
Que voulait-il dire en parlant d'ancien? Je n'eus pas le temps d'y penser car le texte continuait. Je savais que Ktanm l'enregistrait. Je pourrais ainsi le relire. Les premières phrases s'effacèrent. Noir, blanc.
« Mes parents sont nés sur la terre première. Ils furent volontaires pour conquérir de nouveaux mondes. Si le voyage fut long, ils ne le surent pas. Leur froid sommeil les protégeait. »
De nouveau l'écran s'effaça, comme s'il ne pouvait contenir plus de mots. Noir, blanc.
« L'impensable leur est arrivé. Ils se sont réveillés pendant le vol. Le programme ne connaissait que deux commandes de réveil : une nouvelle terre, la fin des réserves. Dans les deux cas, il fallait prévenir la terre. »
Noir, blanc.
« Mon père m'a raconté. Entre rêve et réalité, il eut l'expérience d'une rencontre. Un savoir venait à lui, en lui. Il orienta la fusée. Sans bien comprendre, il fit des gestes. Les étoiles disparurent. D'autres s'allumèrent. »
Noir, blanc. Je sentais Ktanm aussi attentive que moi.
« Il vit celle qui serait ma mère. Elle dirigeait l'énergie de l'univers vers les réserves. La fusée pourrait continuer sa route. Sentant le sommeil, ils regagnèrent leurs loge de cryogénisation.»
Noir, blanc.
 « Ils se réveillèrent sur un monde étrange et hostile. Seuls vivants, ils se connurent. Sans l'aide de la terre, ils seraient morts. Ils s'enfuirent là où ce monde était resté sauvage. »
Noir, blanc
 « C'est ainsi que j'ai grandi sur la montagne de Sourqua. Ma première rencontre avec le Dieu-Vie eut lieu pour mes huit ans. Pour ma double huitaine, je devais gérer l’afflux des pèlerins. J’eus l’intuition de la Confrérie à ma triple huitaine. »
Noir, blanc.
« De huitaine en huitaine, la connaissance venait en moi. Je méritais à mes yeux, le nom de Crunchaïan pour ma huitième huitaine. Le Dieu-Vie me révéla son attente : Tiakakner ! »
Noir, blanc. Ma nervosité monta d’un cran.
« De méditation en révélations, je compris. J’étais porteur de vie, Tiakakner porteur de mort. Mon rôle serait de rétablir un équilibre qu’il détruirait. Deux huitaines furent nécessaires pour que je sois prêt »
Noir, blanc.
« Pour ma dixième huitaine, je sus que mon rôle sur Enkafout était terminé. La Confrérie était prête à être le phare des Marges. J’obtins de rejoindre l’antique fusée de mes parents. »
Noir, blanc.
« Je la programmais selon mon intuition. Si notre rencontre est aussi mon dernier acte de vivant, elle sera le premier pas vers le savoir oublié de l’ange-dieu de la mort. »
Noir, blanc. Ma tension était à son maximum.
Vinrent des mots, des phrases et des sons. Ktanm ne comprenait pas cette langue. J'avais plus l'impression d'entendre Crunchaïan que de le lire. Chaque écran correspondait à une respiration. Les signes se succédèrent devant mes yeux. Un charme opéra. J'étais Right-Tiakakner, ange-dieu de la mort. Le temps devint relatif. Mon esprit se libéra. J'étais et dans le chasseur  et autour. Je vis et je compris qui était devenue Ktanm. Je vis la trame de son être à l'intérieur de la machine. Posant mon regard sur le reste de la fusée, je vis aussi le passé récent.
L'homme était incontestablement vieux et sans peur face à la mort qui pour lui n'était que vie. Il se réveilla doucement de son sommeil cryogénique. Il pensait à d'autres humains qui avaient vécu la même expérience dans la même fusée.
- L'instant est arrivé, dit-il à haute voix.
Il s'assit tranquillement et entra en méditation. Ses pensées s'apaisèrent. J'en vis la lumière. C'est alors que je perçus la frontière du pouvoir de l'idéographe de mort que j'avais tracé. J'inclus dans ma perception tout le système. La beauté mortelle que j'avais fait naître me toucha, me remplissant de l'orgueil de l'avoir tracé et de la douleur de sa disparition. Je compris sa faiblesse aussi. La fusée et l'homme porteur de lumière se dirigeaient là où l'idéographe était le plus faible.
Dans le temps relatif de ma perception, les évènements accéléraient. Comme une pointe lumineuse, il pénétra dans la noire fragilité de mon dessin. Il n'y eut même pas de bataille. La lumière était, les ténèbres n'étaient pas.
Tiakakner que j’étais, comprit. Par bribes, puis comme un fleuve brisant ses digues, revinrent ses souvenirs. Il y eut l’époque de la création, belle et sauvage, quand régnait celui qui était plus grand que lui. Puis vint l’absence et la tentation d’être le plus grand, le plus fort. Mais celui qui était plus grand avait laissé des gardiens, les vrais vivants emplis de pouvoir. Quand Tiakakner tenta de prendre le contrôle du monde, ils étaient là pour le contrer et l’emprisonner dans cette planète, limitant son pouvoir au seul magma. Le temps avait coulé. La rage au cœur, Tiakakner avait tout tenté, tout essayé pour rompre le contrôle, sans succès. La liberté était presque advenue avec ces merveilles de mort qui avaient presque fait fondre le monde et désarmé les vrais vivants. La porte s’était entrouverte. Le vecteur habité qui avait percuté le magma était le grain de sable qui manquait pour bloquer les rouages du piège où il rageait. Tiakakner avait accueilli avec joie l’évènement. Des deux individus à bord, seul l’humain pouvait le contenir. Il en avait pris possession, à moins que ce soit le contraire, car la personnalité de Right n’avait pas disparu…
Moi, qui étais Tiakakner, je compris. Les évènements de la caldera s’expliquaient enfin. La place des uns et des autres aussi. Restait l’avenir et ses incertitudes.
Quand sonna l’alarme, j’étais prêt. Les super chasseurs margiens n’eurent même pas le temps de nous localiser. Tiakakner les anéantit.
- Je crois que le message de Crunchaïan a été plus loin que nos capteurs. Les Marges sont à genoux, mais leur orgueil n’est pas mort.
- Hum ! Right, je ne comprends pas.
- Les relais automatiques ont capté et transmis le message. Les Margiens ont su que nous étions là, d’où leur pitoyable tentative. Ils sont sans pouvoir devant moi.
Je prononçais ce « moi » avec toute la morgue de ma grandeur d’ange-dieu de la mort.
- Allons, Ktanm, l’Empereur nous attend.

1 commentaire:

  1. L'écran d'accueil est apparu.
    Noir, blanc.
    Blanc, noir.
    A l'heure...
    Grand moment.

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