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jeudi 29 avril 2010

Cinquième épisode

Quatrième scène, première partie

Je n'avais rien vu venir, SuperKtanm non plus. Elle flottait en débris épars autour de moi. Mon équipement de survie m'avait sauvé la vie. Je ressentais douloureusement la perte de contact brutal avec SuperKtanm. J'avais l'impression d'avoir été amputé à vif. Ma vision naturelle ne me disait pas grand chose. La bataille pour moi n'avait même pas commencé. J'étais là impuissant, coupé de tout. J'espérais que viendraient les sauveteurs. Il fallait que je me concentre sur mes écrans de survie. Mon scaphandre possédait normalement assez de réserve pour quelques jours. Le choc avait du détraquer l'instrumentation car rien ne fonctionnait comme prévu. Je pris conscience que je ne pouvais pas bouger comme je le voulais. Le scaphandre s'était ballonnisé. La vérité s'insinua en moi. Non seulement mon vaisseau était détruit mais mon scaphandre aussi. Les systèmes de régénération ne fonctionnaient plus. L'oxygène s'était répandu partout où il pouvait, mais il ne serait pas purifié. L'horreur me prit. Il me restait moins de deux heures à vivre. J'allais mourir étouffé. Je hurlais de peur.
Je me réveillai en sueur en m'entendant crier. La nuit était noire. L'aube était loin.
J'étais là depuis trois jours et je faisais le même cauchemar toutes les nuits. J’étais en sueur. Je descendis de mon hamac. L’air était tiède et sec. Pourtant je frissonnais. Ma réserve d’eau était près de la fenêtre. Je m’en approchais pour m’en servir un grand verre. Une lueur attira mon regard. Toutes nos sondes avaient été formelles, il n’y avait pas de vie intelligente sur cette planète. Une silhouette se déplaçait dans la végétation. En regardant mieux, elle me sembla transparente mais légèrement lumineuse. Je pris mon arme et me précipitai dehors. Rien. Tout semblait tranquille. De ma lampe je fouillais les environs. Rien. Je rentrais perplexe.
Je disposais de matériel de détection pour me prévenir en cas d'approche de gros gibiers ou d'animaux dangereux. Je regardais l'écran. Rien. Je mis du temps à me rendormir.
Le soleil était levé depuis longtemps quand j'émergeai du sommeil. Après une collation rapide, j'entrepris d'explorer les environs. Je m'étais installé dans une petite plaine entourée de collines couvertes de broussailles et d'arbres pas très grands. Plus loin autour des montagnes basses étaient colonisées par des forêts épaisses et sombres. Je parcourais la petite région qui s'étendait devant mon campement. Entre les broussailles et les taillis, des affleurements de roches décrivaient des courbes complexes. Avec mon détecteur de vie, je ne mis en évidence que de petits animaux bien inoffensifs pour moi. Le soleil était au zénith quand je rentrai de mon exploration. Je me connectais sur le Résord pour voir la région vue du ciel. Les cartes défilèrent. Les satellites avaient photographié toute cette zone. En agrandissant, je retrouvais là où je campais. Vus de dessus, les affleurements rocheux dessinaient des figures quasiment géométriques. Cela me sembla étrange. J’interrogeai la base de données. La réponse me parut simple et lumineuse. Le fond de cette vallée était composé de différentes roches de duretés différentes que l’érosion avait sculptée ainsi. Les formes venaient des tourbillons complexes des vents locaux arrivant des différentes directions. Je pouvais en visualiser une modélisation. L’animation en 3D était très réaliste. Je cherchais d’autres renseignements. La flore et la faune étaient décrites. Il n’y avait rien de bien dangereux pour l’humain que j’étais.
Avant d’aller me coucher, je fis un tour sur la station d’info du RésOrd. Le commentateur signalait ma présence sur Terre Un. Il faisait encore des suppositions sur ma rencontre avec l’Empereur. Cela me fit comme un coup à l’estomac. Ktanm était repartie voir l’Empereur !
Le sommeil me prit pendant je tournais et retournais toutes les hypothèses sur la conduite de Ktanm.
Le cauchemar m’éveilla à nouveau. Toujours pareil, je ne voyais ni l’avant, ni l’après, juste cette séquence d’explosion et de panique. Je me levais.
De nouveau par la fenêtre, j’aperçus la lueur fantomatique de la silhouette. Je me déplaçai sans bruit jusqu’à mon écran. Les caméras extérieures ne montraient rien, les enregistreurs non plus. Ce qui  bougeait dehors n’existait pas pour mes instruments, pourtant je voyais la forme progresser. J’eus l’impression qu’elle suivait les courbes des roches. Je ne pouvais détacher mon regard de ses déplacements. Une envie de lui emboîter le pas me prit. J’allais vers la porte. Je l’entrouvris sans bruit. Là bas, dotée d’une légère pulsation, la silhouette s’était arrêtée. Je tournai la tête pour attraper mon arme. Quand je voulus me glisser dehors, il n’y avait plus rien.
Quand le jour fut levé, je retournai explorer la zone. Je rentrai bredouille. J’étais énervé. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Je cherchais une idée pour piéger ce fantôme ou ce qui en avait l’apparence. En me préparant à manger, je me connectai à la station d’info. De nouveau, j’entendis parler de moi. On avait vu passer mon F54b, bien célèbre, en direction du palais impérial. La guerre des Marges orientales en était la cause, à coup sûr. Différentes stratégies étaient discutées. Les commentateurs pesaient le pour et le contre de toutes leurs hypothèses. Cela m’énerva encore plus. Voilà quatre jours que je traînais là pendant que Ktanm paradait là-bas. Je lui mis un message crypté sur le RésOrd. Tout mon après-midi fut occupé par mon attente de la réponse. J’allais me coucher sans même avoir eu la confirmation qu’elle avait reçu mes questions. Il me fallut beaucoup de temps pour trouver le sommeil.
De nouveau mon hurlement me réveilla. Je sautai du lit pour aller à la fenêtre. De nouveau la silhouette était là. J’étais persuadé du lien entre mes cauchemars et sa présence. J’observais ses déplacements. J’avais posé des pastilles fluorescentes sur les roches. Je la vis donc suivre les circonvolutions des courbes rocheuses. L’idée me vint que les choses n’étaient pas aussi simples que ce que j’avais lu sur le RésOrd. Je m’étais préparé. J’avais été me coucher habillé. J’ouvris la porte. Elle coulissa sans bruit, mais la forme s’arrêta. Difficile de dire si elle se retourna, mais je sentis son attente. J’avais mémorisé le chemin qu’elle avait suivi. Aller droit vers elle représentait quelques dizaines de mètres, pourtant je choisis sans bien savoir pourquoi de refaire le parcours qu’elle avait fait. Cela me prit plus longtemps que je le pensais de suivre les courbes. Quand je m’approchai, la silhouette reprit son mouvement. Il y eut une résistance. L’air me sembla lourd. Mettre un pied devant l’autre m’évoqua le scaphandrier d’un vieux film avançant péniblement au fond de l’eau. Ma vue se troubla un instant et la lumière m’éblouit.
Je me protégeai les yeux de mon avant-bras, tout en clignant des yeux. Autour de moi, le paysage avait radicalement changé. J’étais dans la rue d’une ville aux maisons curieusement curvilignes. Les façades éclairaient de couleurs vives la rue dans laquelle j’étais. Devant moi, la silhouette luminescente s’était muée en un être vêtu d’une cape et d’une robe qui descendait jusqu’à terre. J’examinais son visage. Je ne pus déterminer si j’avais devant moi un  homme ou une femme. Sur un signe de sa part, je lui emboîtais le pas.


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