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dimanche 18 avril 2010

Cinquième épisode

Première scène
 

L’Empereur avait voulu me voir. Je volais vers Terre Un. Je me remémorais tout ce qu’on m’avait dit. J’avais mémorisé le protocole. Il ne fallait pas que je fasse un impair. Ktanm rigolait tout en m’aidant à réciter toutes les formules.
- Right, tu sais quand même que tu es un héros ?
- Je sais, Ktanm. Mais c’est l’empereur que je vais rencontrer.
- Non, Right. Que nous allons rencontrer.
- Dans le protocole, il ne parle pas de vaisseaux. Je ne sais pas ce qui va t’arriver.
- Ne t’inquiète pas, Right. J’ai ma petite idée. Nous arrivons près de Terre Un. Je vais nous caler sur le bon couloir aérien.
Pour une fois, je laissais toute liberté à Ktanm. J'étais trop nerveux pour être attentif. Je repensais à tout ce qui m'était arrivé.
Les médias avaient surtout parlé de mes exploits. Bien sûr, la bataille d'Endoor était une défaite majeure. C'est par millions que se comptaient les morts. Certains me touchaient plus, Les frère Silu, Saktin, les pilotes qui avaient été sous mes ordres. Par contre je ne pleurais pas le major Skatn, ainsi que quelques autres. Les bombes à fission avaient tout nettoyé, le bon comme le mauvais. L’amiral avait demandé un contrôle de nos enregistreurs de vols. C’est ainsi que je fus crédité d’un nombre record de victoires. Ktanm aussi, était à l’honneur mais à titre posthume. Personne ne discuta mon désir de garder ce F54b modifié. Il fut même copié pour devenir le F55.
Dans les semaines qui suivirent, je fus harcelé par les médias. Je racontais et re-racontais mon combat. Des simulations étaient projetées en boucle sur certains canaux. Sur le RésOrd, on pouvait même voir la première simulation faite sur le disrupteur. La communication impériale fonctionnait à merveille. D’une défaite cuisante, elle faisait une victoire. D’un pilote, elle faisait un héros à admirer. Un jour, un programmateur me montra le jeu vidéo qu’il avait tiré de la bataille. J’acceptais d'y jouer un peu. Si les commandes du F54b étaient bien reconstituées, il manquait des sensations de vol que jamais un rampant ne pourrait avoir. Ce jour là je fis un score honorable. Le programmateur insista pour entrer dans les scores, mon nombre réel de victoires, ainsi que celui de Ktanm. La danse de la mort, comme s’appelait ce jeu, devint une référence et un mythe rapidement. Les meilleurs champions du virtuel ne purent égaler le record.
Sur le RésOrd, j’étais devenu : celui qui danse la mort. Pour des raisons de com., l’amiral m’avait constitué un secrétariat qui répondait aux milliers de courriels. Il avait des ordres précis de la part de l’Empereur. Endoor se repeuplait. Des milliers de structures et de vaisseaux sillonnaient ses orbites. Un deuxième disrupteur était arrivé. L’Empereur avait décidé. Une nouvelle flotte se réunirait à Endoor et serait victorieuse. L’amiral Tchecanstin avait été la dernière victime de cette défaite. Il était désigné comme le responsable de l’impréparation de la flotte d’Endoor.
J’abordais l’atmosphère de Terre Un. Le contrôle aérien me contacta.
- Vaisseau secteur 24, couloir 12, identifiez-vous !
- Ici, lieutenant Right venant de Endoor pour l’astroport A. Code 12 24 67 32.
J’entendis aussi le crépitement des circuits de Ktanm qui lançait les séquences de reconnaissance pour les défenses aériennes. Je fus très surpris quand j’entendis :
- Excusez-moi, Lieutenant. Je n’avais pas vu votre code 4. Prenez le couloir 3 et passez sur le canal 2 pour le contrôle principal. Bon Vol.
- Ktanm, c’est quoi ce code 4.
- C’est mon code, Right.
- Et ça veut dire quoi ?
- Nous sommes prioritaires.
J’assimilais l’information. Pas d’attente à tourner en rond, nous allions nous poser directement. J’avais droit à un traitement de VIP. En quelques minutes la capitale fut en vue. L’astro-aéroport avec ses quinze pistes était impressionnant. Mes yeux radars repéraient les différents appareils en vol.
- Vaisseau Code 12 24 67 32, identifiez-vous !
J’allais répondre quand Ktanm me coupa la parole.
- Laisse, Right. Je gère.
- Ici contrôle principal, Code 4 accepté. Prenez au 160, et passez sur canal code 4.
- On ne se pose pas Ktanm ?
- Non, pas encore !
Laissant l’astro-aéroport, nous nous dirigeâmes vers la capitale. Je sentais les flux d’informations que Ktanm échangeait avec le contrôleur. A mes questions, elle répondait simplement qu’elle était Code 4 et suivait la procédure.
Ma panique monta d’un cran quand quatre chasseurs des gardes-empereur se mirent en position d’attaque pour nous couper la route. Automatiquement je me mis en position de défense. Ktanm ne me laissa pas faire. Elle poursuivit sa route sans dévier. Je voyais déjà la collision. Il n’y en eut pas. Le groupe d’attaque se mua en escorte comme par magie. En voyant la piste, je compris, nous allions atterrir au cœur même du palais impérial sur le tarmac personnel de l’Empereur. Je ne comprenais plus rien.
Ktanm se posa comme à l’exercice. Elle avait à peine verrouillé ses vérins qu’un homme s’avançait. 
Je déclenchais l’ouverture de mon cockpit. Quand mon fauteuil tourna pour me permettre de descendre, je me trouvais nez à nez avec lui. Je tombais genou à terre.
- Relevez-vous, Colonel Right ! Allez m’attendre avec les officiels, Ktanm et moi avons beaucoup de choses à nous dire.
Je ne trouvais rien à dire ! Colonel ! L’Empereur m’avait appelé Colonel. Je marchais sur un nuage vers le cordon des officiels quand le sens des autres paroles qu’il avait dites, arriva à ma conscience. Je me retournais pour voir l’Empereur disparaître sur mon fauteuil dans le tunnel d’accès au cockpit. Des gens coururent en criant
- Non !!!!
Ils n’atteignirent jamais le chasseur. Ktanm avait fait un décollage d’urgence. Les chasseurs des gardes-empereurs se mirent en position d’escorte et le groupe disparut à notre vue à une vitesse interdite dans tous les protocoles.
- Mais qu’est-ce que vous avez fait ?
Je me tournais vers celui qui m’interpellait. Son habit de cour était superbe, mais ne me renseignait pas sur sa fonction. Il frotta sa manche. Un clavier virtuel apparut devant lui. Ces doigts coururent dessus. Je remarquais alors qu’il portait des lunettes écran. Garde du corps ? Chef du protocole ? J’avais encore mon casque de pilotage. Je pensais :
- Ktanm, qu’est-ce que tu fais ?
Aussi claires que des paroles, sa réponse me parvint :
- J’accueille un vieil ami. Je reviens.
J’allais poser une autre question quand :
- Vous suivez-moi ! Ça ne va pas se passer comme cela.
La menace était implicite. Mais comment lui expliquer que mon chasseur n’en était pas un.
- Sa Majesté n’a pas piloté depuis plus de quarante ans. J’avais bien dit que tout cela finirait mal.
Sur un geste du personnage, quatre gardes-empereurs m’encadrèrent. L’ombre d’un sourire courait sur leurs visages. Nous suivîmes sans un mot. Je voyais s’agiter devant moi la silhouette tressautante et râlante qui m’évoquait les grands pseudo-singes de Mondquatre.

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