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jeudi 13 mai 2010

Cinquième épisode


 


Quand Ktanm atterrit, je compris qu'elle était changée. Un renflement nouveau ornait la proue du F54b. Je m'approchais d'elle en lorgnant sur ce subit embonpoint. J'avais remis mon casque de pilotage pour pouvoir parler directement avec elle. Je m'installais à ses commandes et laissais les sensations m'envahir. Ktanm ne dit rien me laissant découvrir.
- Un disrupteur! Tu as un disrupteur!
- Bien vu Right! Tu vois que cela valait les dix jours d'absence. Mais toi que s'est-il passé ?
Je lui racontais et mon rêve et mon excursion hors dimension. Ktanm resta un moment silencieuse avant de me répondre. Elle ne voyait pas ce que cela pouvait être. Elle ressentait mon angoisse au travers du couplage qui nous liait. Elle qui vivait la transmutation dans son être, n'avait jamais entendu parler de ces entités vivant de forces. Les analyses de l'air ne montraient aucun alcaloïde. Je n'avais à priori pas été intoxiqué par des plantes. Elle n'avait pas d'autre explication. Elle n'insista pas trop sur le sujet préférant revenir sur ce qui lui était arrivé. Elle savait par différents indices qu'un disrupteur miniaturisé était en cours d'expérimentation. Elle le voulait. Elle ne doutait pas de la possibilité de convaincre l'Empereur de lui en affecter un.
- Il me doit bien ça.
Je ne l'interrogeais pas plus sachant qu'elle ne me répondrait que si cela l'arrangeait. J'enregistrais le fait quelque part dans ma mémoire. Il expliquait bien des choses. Tout en conversant avec elle, j'avais commencé à replier mes affaires. J'eus rapidement fini? C'est avec plaisir que je rangeais tout le matériel dans les soutes.
- On va voir si ta prise de poids ne t'empêche pas de bouger!
Ktanm émit ce qui était un rire et décolla dans un rugissement de moteur. Les premières étoiles apparaissaient dans le ciel.
Sur mon écran arrière, je vis la tache de roche fondue s'éloigner.
Nous passâmes des heures merveilleuses à tester les nouveaux équipements de Ktanm. Seul le disrupteur échappa aux essais. L'utiliser dans les systèmes d'Endoor était trop risqué.
De toute la poussée de ses moteurs boostés, Ktanm revint vers Arche12. J’étais grisé par le plaisir. Rien ne semblait pourvoir nous arrêter. Sa vitesse était très supérieure aux normes de sécurité quand nous arrivâmes dans la haute atmosphère.
- Regarde, Right !
Le ciel s’embrasa autour de nous pendant que les boucliers encaissaient la vague de chaleur. Je jouais à mon tour, étalant au maximum les champs de protection. La décélération fut intense. Sans les protections antiG, j’aurais été laminé. Nous avions abordé la planète par son côté obscur. Dans quelques secondes le soleil allait nous frapper de ses rayons. Nous ferions encore un tour en orbite basse avant de plonger sur Arche12. Je riais de bonheur. Quel vol superbe ! Je branchais les contrôleurs vidéo. J’allais éteindre la caméra arrière pour jouir du lever de soleil quand un détail attira mon œil.
- Ktanm ! La porte !
La lumière solaire éclata sur l’horizon.
- De quoi parles-tu, Right ?
- La porte, j’ai vu la porte de mon cauchemar !
- Je t'affiche les images ...
Aussitôt les enregistrements s'affichèrent sur mes yeux-écrans. Je remontais le temps image par image. Je bloquais le défilement sur une des vues.
- Regarde, Ktanm
- Où ça?
- Tu vois la forme rouge à la limite de l'horizon?
- Au nord?
- Oui, c'est ça.
Je zoomais sur la zone en question, mais la résolution insuffisante ne permit pas de voir plus de détails.
- Je me programme pour passer à la verticale. Cette zone est complètement hors des couloirs de vol et vu la couche nuageuse, on ne va peut-être pas voir grand chose. 
Ktanm se programma pour passer à la verticale de la zone.
- Contact dans douze minutes. Raconte-moi ton histoire avec tous les détails, Right. Il faut qu’on en sache plus.
Je repris mon récit. Insistant sur l’étrangeté mais aussi sur le sentiment de réalité, j’essayais de ne rien oublier. Ktanm fit appel au RésOrd. Avec les données qu’on lui donnait, il répondit qu’il devait s’agir d’une légende locale. La réponse du RésOrd me déçut. La certitude de mon ressenti me faisait douter de la réponse. Le temps passa rapidement avec la discussion. Nous approchions.
Nous survolions une zone montagneuse. Les pics succédaient aux pics. Ktanm louvoyait entre les sommets culminant à près de douze mille mètres. Leurs sommets étaient nus montrant des roches noires déchiquetées. La neige débutait plus bas. Se basant sur les relevés des satellites, Ktanm se dirigeait vers la zone.
- Contact dans soixante secondes. Je te branche les caméras infrarouges.
Ktanm remontait une vallée encaissée se terminant par un col à huit mille mètres. La zone n’avait pas été explorée car jugée sans intérêt économique et trop coûteuse à coloniser. Ktanm lutta avec les vents violents de la région mais s’encadra au beau milieu du passage du col. Le spectacle qui s’offrit à nous fut à couper le souffle. Une vaste caldera s’étendait devant nos yeux-écrans. Tout y était rouge. La chaleur avait fait fondre la neige qui aurait pu apparaître en bleu. Seuls les lèvres de l’excavation s’ourlaient du bleu signe de froid. L’objectif n’arrivait pas à embraser en un seul angle toute la zone. Ktanm se mit à tourner en rond pour survoler toute l’anomalie qui affolait ses instruments.
- Je ne sais pas ce qui est là-dessous, Right, mais je n’aime pas du tout.
- Attends un peu, je règle les caméras. On fait un plan et on dégage.
Je jouais avec les curseurs de sensibilité pour caler la sensibilité des capteurs à la situation. Négligeant les valeurs froides, j’étalais les valeurs du spectre vers les hautes températures. Sous mes yeux horrifiés, le dessin qui apparut fut celui  de la porte de mon cauchemar. J’étais fasciné. Un détail attira mon attention. Au milieu de la caldera, un trait chaud apparut.
- Ktanm, la porte s’ouvre ! On dégage.
Je sentis les ordres de Ktanm pour que les moteurs donnent toute leur puissance. Les relais de puissance claquèrent. Le rugissement habituel se fit entendre. C’est alors que la lumière de la porte nous toucha. Tout cala. Sur mes yeux-écrans, je vis la chute s’amorcer.
- Right, je ne peux rien ! Right, on va s’écraser…

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